Cela fait déjà quelques kilomètres que la balade a pris une autre tournure.
Depuis la naissance de l’Aisne, je traversais des bois, des prés, des lieux plus ou moins inhabités, pour longer un petit ruisseau perdu au fin fond du monde (ardennais), sans déranger personne.
Là, au fil des mètres de dénivelé, le ru est devenu peu à peu une rivière.
On ne le traverse plus où on veut, ses rives sont devenues moins sauvages et on a de plus en plus de difficulté à l’apercevoir sur le trajet qu’elle emprunte souvent derrière des propriétés privées !
Aujourd’hui, je suis en route pour effectuer le tronçon terrain de foot de Mormont – Aisne – et retour.
Quelques centaines de mètres après mon départ en voiture, j’aperçois un chat assis au milieu de la chaussée. Je freine bien évidemment. Bin oui, même pour un chat !
J’arrive en même temps qu’un autre véhicule venant en le sens contraire.
Le chat noir détale ! Bon sang ! C’était un avertissement de danger pour qui ? Pour moi ou pour l’autre conducteur ?
Bon, je ne suis pas superstitieux, mais je peux quand même me poser des questions, non ?
Je continue en redoublant d’attention.

J’arrive sans encombre au terrain de foot où je gare de nouveau le mobilvouac. Sur le parking, pas sur le terrain !
De cet endroit, on voit le château de Deux-Rys, et juste derrière, la ferme du château de Deux-Rys.
C’est par là que je vais, en suivant un chemin qui me mène vers le village… vous l’avez deviné: de Deux-Rys.

Voici la ferme d’un peu plus près. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, je préfère la ferme !

Deux-Rys en ardennais, c’est « deux ruisseaux » !
Pas étonnant donc qu’on y trouvait là aussi un moulin. C’est le moulin Ponsart, construit en 1818 -1819. Avant, moulin à grain et scierie, de nos jours, habitation sans plus aucun vestige du passé !

Je continue tout droit vers la Roche Noire.
Le site est assez spécial, tout comme de nombreux sites d’Ardenne.
Imaginez-vous aux siècles derniers, sur un petit chemin dont vous n’arrivez même pas à voir le bout, passant devant un arbre comme celui-ci, une nuit de pleine lune  !?!??

Bon, d’accord, on est en pleine journée, mais quand même, à cause du cghat de ce matin, pour plus de sécurité, je ramasse un morceau de bois qui me servira à faire une croix de protection divine avec mon bâton de marche ! On ne sait jamais !!!
Au pied de l’arbre, une plaquette m’intrigue. Serait-ce une demande de protection pour continuer le chemin sans encombre vers le hameau de Roche-à-Frêne, de sinistre réputation ?

Je redescends momentanément dans la vallée pour retrouver l’Aisne et la grand’route. Je suis à Ninane. Son moulin a malheureusement disparu, mais la scierie continue aujourd’hui ses activités.

Je remonte sur les hauteurs par le même chemin pour continuer de longer la rivière d’un peu plus haut.
Une fois de plus, il ne ferait pas bon voyager de nuit dans ce lieu étrange et maléfique.

Et la première de ces étrangetés, c’est qu’on pourrait penser qu’il y avait là plein de frênes qui auraient ainsi donné son nom à ce petit hameau. Mais non, il n’y a jamais eu de frênes sur cette colline et son nom viendrait plutôt du celte « Rochafreim », roche qui fait frémir, qui fait peur.
Ceci devrait sans doute suffire à expliquer toutes les légendes qui entourent l’endroit.
En voici un court exemple : 
« Un meunier établi sur l’Aisne, manquant d’eau pour alimenter son moulin, promit son âme au malin, à Satan, s’il acceptait de construire une digue en une nuit. Au matin, Satan ayant terminé sa besogne, appela le meunier mais ne vit arriver que son chien. Satan, ivre de rage d’avoir été berné, détruisit en quelques instants son œuvre nocturne (dont on peut encore voir les vestiges à Roche-à-Frêne) et s’en alla récupérer ses forces sur une pierre à proximité de Wéris qui porte, depuis, le nom de « Lit du Diable »
Je vous l’avais dit, ce lieu sent le soufre !
Il faut se rappeller qu’en ces temps-là, les histoires de loups affamés qui y mangeaient des enfants, de bandits qui se cachaient derrière ces innombrables rochers pour détrousser les chemineaux, colporteurs et autres travailleurs, ainsi que le diable qui achetait les âmes des gens de passage contre quelques services ou richesses, ont bien entendu continué à alimenter légendes sur ces endroits inhospitaliers et fantasmagoriques. Et il faut bien avouer que les soirs de veillées, plus l’histoire était longue, plus on y servait de « brichaude » ou de pèkèt pour se donner du courage !

Continuons le chemin avant que la nuit ne tombe. Et avec elle ses dangers !
Je sais qu’il y a un site d’escalade dans le coin, mais j’avoue qu’il n’est pas facile à trouver caché dans les broussailles.

Après avoir traversé un petit lit de ruisseau à sec, je m’enfonce tout droit devant moi sans rien apercevoir de spécial au premier abord.
Ce n’est qu’après une « escalade » d’une vingtaine de mètres par dessus des branchages au sol et des roches plus ou moins glissants que j’aperçois un premier rocher à ma droite et en regardant de l’autre côté, ce magnifique monument vers lequel je me dirige en prenant millie précautions. Je pense toujours au chat noir !

Le retour vers le sentier est un peu plus facile, parce que de là-haut, je vois un peu plus nettement le parcours à suivre pour redescendre.
J’arrive ainsi au Moulin des Roches

et des restes du canal de dérivation qui l’alimentait en eau un peu plus en avant.

Je poursuis tranquillement mon chemin vers Aisne, charmant patelin… sur l’Aisne où les dernières crues de la rivière ont fait quelques dégâts.

Ci dessous le Moulin Ste Catherine, reconnaissable parmi les autres magnifiques maisons aux pierres de meule qui ont été gardées devant la maison.

C’est là que je prends le chemin du retour, mais en remontant la côte de l’autre côté de la route.
J’arrive ainsi à Heyd.

Dans le village, je tourne un peu dans tout les sens pour retrouver le bon itinéraire.
Au lieu-dit « Al Rotche Kinet » je sais que je suis sur le bon chemin.
De là, il ne me reste plus qu’à descendre sur Lignely par un petit sentier dans les bois pour retrouver la grand’route !
Ce petit hameau a aussi sa petite histoire. C’est là qu’habitait un célèbre bandit ardennais du nom de Gena. Il fut guillotiné à Liège avec son complice Magonet le 4 juin 1821, payant ainsi se terribles méfaits !
Une petite complainte de l’époque nous raconte son histoire.
En voici un extrait :
« Ecoutez peuple sensible,
Pour entendre réciter,
Les plus grandes cruautés,
Aussi des crimes horribles,
Commis par Magonet et Gena,
Ces infâmes scélérats.
Ces deux monstres, ces deux barbares,
Portaient partout la terreur.
On ne les voyait qu’avec horreur,
Chacun tremble dans son âme,
Voyant dans plusieurs maisons,
L’habitant et dans des peines,
Se trouvant sommé, menacé,
D’être brûlé ou bien tué.
…  »

Comme on le voit, c’étaient pas des marrants et vous comprendrez que les craintes des Ardennais étaient bien fondées. Et pas que sur des légendes !

Un peu plus loin, nouveau souci. Après 500 m en direction du bois dans lequel j’ai tracé mon itinéraire sur la carte, un panneau m’indique au bout du chemin, qu’il s’agit d’une propriété privée.
Pas de chance, mais comme je le dis souvent, cela fait partie du jeu et même si je le regrette parfois, je respecte la propriété privée. Surtout en période de chasse !!!
Je fais demi-tour et trouve un autre chemin qui me ramène sur la bonne route, mais un peu plus loin que prévu. Tant pis je continue sur celle-ci jusqu’à l’arrivée.

Ensuite, plus la peine de me tracasser pour les mauvais sorts, je suis sur la route qui me ramène au mobilvouac et je découvre le long de cette route de nombreux pruneliers !
J’avais prévu le coup cette fois et j’ai emmené un sac en plastique.
J’en fais donc une bonne provision.
Même s’il me faudra patienter quelques mois avant de le déguster !

Au retour, belle vue sur le site d’escalade depuis la route, de l’autre côté de l’Aisne !

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Une fois n’est pas coutume et deux fois non plus.
Ce matin, pour cette dernière étape, je commence donc ma boucle par l’arrivée : Bomal.
Je laisse le mobilvouac sur le parking du Syndicat d’Initiative, là où le mobilvouac ne gênerait personne… et serait sous surveillance.
Destination : une boucle vers Aisne en revenant par la route des Ardennes qui longe la rivière.
Devant le syndicat, le pressoir à raisin, cadeau d’une ville du Beaujolais, Fleurie.

Bomal est au confluent de l’Aisne et de l’Ourthe.
En me rappelant les endroits sur mon itinéraire où les inondations de l’année passée ont fait de nombreux dégâts, j’imagine qu’ici aussi ils ont dû subir le même triste sort.

Je sors de la ville par la Route des Ardennes pour bifurquer directement vers le sud et rejoindre un petit sentier botanique bien agréable.
 J’arrive dans la réserve naturelle du Mont des Pins. Les paysages sont magnifiques, mais certains sentiers ne sont pas indiqués sur ma carte. Je dois tourner à droite alors que le sentier va à gauche. Or, si je vais à gauche, je prends la direction du bas de la vallée alors que je dois normalement rejoindre les hauteurs ! Cruel dilemme !
Je reviens en arrière jusqu’à la bifurcation précédente pour choisir l’autre chemin.

Après avoir longé le Mont Pelé, j’arrive sur une petite route où deux cars de touristes circulent ! Je crains le pire ! Et si je suis sur cette route, c’est forcément parce que je suis en dehors de mon itinéraire. 
Je reconnais l’endroit : le « gîte » de tourisme de masse du Mont des Pins par où je suis passé en voiture pour me rendre au départ de ma marche !!!
Un « bivakhuis » comme ils disent en dialecte local.
Faut dire qu’on n’est pas loin de Durbuy, ceci expliquant cela ! Sur le parking, j’en vois même un avec sur sa remorque une moto de cross !!!

Petite photo d’illustration pour mieux comprendre…
Avec en bas à gauche le fameux « gîte » !!!

Heureusement que Natagora a remis cette colline dans son état naturel en y supprimant un maximum possible de  « pins » d’importation pour le rendre de nouveau « pelé » comme il l’avait toujours été depuis le Moyen-Age !
En y créant une réserve naturelle, cela a probablement permis d’éviter la « buildingisation » de toute la région. Hélas, pour cette monstruosité architecturale dédiée à Pognon,  dieu du tourisme, il était sans doute trop tard.
Hauts les cœurs ! Je continue dans la direction contraire pour rejoindre mon itinéraire initial vers la carrière de Préalle. La carrière a commencé son activité en 1949 et elle produit des gravillons calcaires, des dolomies et du sable.

Elle ne fait pas vraiment l’unanimité dans la région, comme toutes les carrières, mais il faut bien avouer que vue de haut, elle est impressionnante et assez jolie !
Je poursuis ma route vers le fond de la vallée pour tourner à gauche et suivre l’Aisne depuis la route !

Avec parfois quelques incursions vers la rive quand l’infrastructure le permet.

Pas mal de dégâts ici aussi et de nombreuses propriétés sont forcément à vendre.

Petite chapelle Saint Denis qui aurait bien besoin d’un petit lifting !

A Juzaine, juste avant le pont, je vais vers la droite, pas parce que j’y ai vu un bistrot au loin (de toutes façons il est fermé), maispour aller faire un tour du côté de la Grotte du Coléoptère.

« Au coin du bois », j’en profite pour discuter un peu avec un habitant qui me donne de précieux renseignements sur les débordements de l’Aisne qui arrivait au niveau de la route et qui passait par-dessus le pont où je viens de prendre quelques photos, sur le Canada où il a habité une dizaine d’années et où j’avais pensé aller pour travailler à la construction des barrages de la baie James, dans les années 70, et surtout sur la grotte qui se trouve juste derrière nous… alors que je pensais prendre un autre chemin !!!
L’accès est un peu physique pour y accéder, mais on a vu pire !
Comme annoncé par mon interlocuteur, rien de particulier. « Un trou à peine plus grand qu’une longueur de voiture ».
J’avais lu qu’elle s’étendait sur une centaine de mètres, mais je n’irai pas plus loin que la largeur de la voiture en question, je n’ai pas de lampe de poche et, pour ceux qui me suivent, Wardy ne m’a pas accompagné !

De nombreux ossements d’animaux y ont été trouvés, ainsi qu’un pendentif représentant un hanneton, d’où le nom de la curiosité locale.
Ceci dit, je me demande si cette pinderloque en os du paléolithique, n’est pas un peu comme le fameux dahu !!! Pas moyen d’en trouver une photo après des jours de recherche ! C’est à se demander si elle existe vraiment ?!!?!?

Après avoir passé le pont, je m’aventure sur un petit sentier entre les terrains des riverains de la grand’route et la rivière. J’ai bien fait, c’est nettement plus agréable que la route.

Des passerelles permettent de rejoindre l’autre rive. L’une d’entre elle me rappelle un style bien particulier rencontré dans certains champs de manœuvres militaires comme le camp de Marche-en-Famenne.
Pas celle ci-dessus (quoique… ! ), celle d’en dessous !!!

Je ne me suis pas trompé ! A l’œuvre, on reconnaît l’artisan.

Après être allé sur l’autre rive visiter une petite bâtisse qui était en fait une station de pompage destinée à alimenter les bassins du château situé quelques dizaines de mètre plus en hauteur, je flâne un peu dans le parc !

Avant de retourner, je tourne un peu en ville pour admirer quelques belles restaurations comme celle-ci.

Sans oublier le dernier moulin situé sur l’Aisne avant qu’elle ne se jette dans l’Ourthe

Voilà, mon petit reportage est terminé.
J’espère que vous avez eu un peu de plaisir à me suivre dans ma balade.
Pour l’heure, je prends la route du retour, parce que le temps se couvre.
Arrivé à la maison, une drache nationale m’accueille pour me souhaiter un bon retour.

Ce soir, pour fêter cela, ce sera « Votes à l’rapeye » et petite liqueur maison (groseilles à maquereau) !
Pour ceux et celle que cela intéresse, en voici la recette:

VOTES A L’RAPEYE
Ingrédients
2 kg de pommes de terre râpées (type bintje)
200 g de farine
4 œufs
1/3 L de lait
une pincée de sel
500 g de lard salé
saindoux ou autre matière grasse

Préparation
Couper le lard en dés et le laisser fondre sur feu modéré. Lorsqu’il est fondu, lui ajouter une noix de matière grasse.
Eplucher les pommes de terre et les râper.
Ajouter la farine, les œufs et le lait. Mélanger le tout de manière homogène. Ajouter un peu de sel mais pas trop car le lard est déjà salé.
Dans une poêle à feu vif, verser une bonne cuiller de graisse chaude avec lardons et une louche de la préparation. Etaler le tout uniformément de manière à obtenir une crêpe un peu épaisse. Laisser cuire chaque côté jusqu’à l’obtention d’une belle couleur dorée.

NB: Ce plat se prépare à l’avance car les crêpes sont bien meilleures lorsqu’elles sont réchauffées au moment de les manger (et sans nouvelle adjonction de matière grasse).


Et pour faire bonne mesure, voici celle de la « brichaude » pour les longues soirées d’hiver qui arrivent !
BRICHAUDE
Préparer 1L de genièvre à 35° – 37°.
Moudre 125 gr de café en grains
Vider le café dans un poêlon (+/- 20 cm de diamètre)
Verser de l’eau bouillante (8 à 10 cm)
Laisser macérer ½ heure sur le bord de la cuisinière
Faire fondre 250 gr de sucre candi dans un peu d’eau
Le sucre fondu, le verser sur le café et mélanger
Filtrer et verser la goutte.
« Avant, on préparait la brichaude pendant les veillées quand on jouait aux cartes. On en faisait la demie ( ½ litre) ou l’entière.
On laissait refroidir dans une « touille » et on buvait en fin de soirée. »
Santé

A bientôt les amis