C’est parti pour ma randonnée annuelle.
La descente… de l’Aisne.
Bon, avant d’entrer dans le vif du sujet, on met les choses au point.
Mes commentaires n’ont pas pour but de me la péter ou de vous faire un cours magistral de géographie, d’histoire, de biologie ou d’économie, d’autres personnes nettement plus qualifiées font cela beaucoup mieux que moi !
J’aimerais simplement essayer, en parcourant au plus près cet affluent de l’Ourthe, vous situer l’endroit d’où vient cette belle petite rivière de ma nouvelle région, où elle coule et où elle se termine.
Avec un peu d’humour, d’anecdotes et même de renseignements qui pourraient peut-être vous servir à gagner des milliers d’euros si on vous pose la question lors de jeux télévisés. 🙂
On y va pour la minute pédagogique…
L’Aisne, c’est d’abord une belle petite rivière d’une longueur de 34 km et un dénivelé de 500 mètres; elle est de ce fait la rivière la plus torrentueuse de Wallonie.
Nous sommes dans une région d’Ardenne composée de terres très humides comparables aux immenses steppes du nord de l’Europe. En plus petit !
C’est la Fagne (le mot vient de fange, boue. Ceci explique cela !).
Peu à peu au cours des siècles, cette région a été exploitée pour son bois, pour sa tourbe et pour son minerai de fer.
De nos jours, ce serait plutôt pour ses sapins de Noël.
Au Moyen-Age, la surexploitation du minerai de fer nécessitait beaucoup de bois.
Mais lorsque cette ressource s’est épuisée, il fallut trouver un autre moyen de subsistance pour tenter de mettre un peu de lard dans les pommes-de-terre.
On exploita donc la dernière ressource possible à cette époque: la tourbe, qui s’est formée pendant des milliers d’années grâce à l’acidité, l’oxydation des eaux et de la décomposition des végétaux. Cette « neure troufe » comme on disait alors, était principalement utilisée pour chauffer les habitations.
Ces sources d’eau acide, plus ou moins rouge qui servaient à soigner les anémiques ou les troubles digestifs, ce sont des « pouhons ».
Après le minerai de fer, le bois et la tourbe, on se tourna vers l’agriculture. Mais ces terres gorgées d’eau ne convenaient pas vraiment.
On planta alors des champs d’épicéas en pensant reboiser ces tourbières qui n’avaient pas d’intérêt pour l’agriculture de plus en plus intensive… Et on se planta !
Non seulement, les épicéas y poussaient mal, mais cela contribua à l’assèchement d’une grande partie de ces tourbières.
De nos jours, des associations tentent d’y remédier en préservant quelques zones de cette région particulière de l’Ardenne.
C’est dans une de ces zones encore préservée que naît l’Aisne : la Fagne du Pouhon.
Oui, je sais, tout ça pour en arriver là ! 😉

C’est donc là que je suis ce matin, à Odeigne et plus exactement à la tour d’observation du paysage environnant ! C’est plus ou moins à cet endroit que l’Aisne prend sa source.
Si j’écris plus ou moins, c’est qu’en réalité elle est là…

Là…

… et encore là !

Bref, elle est tout autour de l’endroit où je me trouve.
Et ce ne sont pas les castors de plus en plus nombreux qui vont me démentir.
Tout (ou presque) est sous l’eau jusqu’au bord de la route.
Je commence par une petite boucle dans les réserves naturelles de Robièfa et un peu plus à l’ouest, de Nâzieufa.
C’est dans ces réserves que l’on aperçoit du haut de la tour que naît l’Aisne.








Après un petit circuit dans les environs, je tourne dans le Bois d’Odeigne sans vraiment trouver de passage vers ce qui n’est encore qu’un petit ruisseau.
Tant pis, je termine ce round d’observation pour récupérer le mobilvouac et aller faire une petite visite du premier moulin sur le trajet de l’Aisne : le moulin d’Odeigne.
J’y arrive un peu à l’improviste. La propriétaire me reçoit gentiment, mais elle est en plein boulot. Pas grave, je ne suis pas à une petite déception près, je repasserai plus tard !

Le lendemain, à la ferme où je gare le mobilvouac, j’ai le choix entre deux chemins : l’un est balisé « Compostelle », l’autre est estampillé d’une grosse flèche rouge dont je ne connais pas la signification ! Je choisi celui-là.
J’aurais pas dû !

A l’embranchement à l’orée du bois, un chemin va à droite, l’autre à gauche. J’opte pour ce qui me semble être le plus raisonnable pour descendre vers la rivière ! Erreur !
A droite il ne menait nulle part, à gauche non plus !
Tant pis , je continue à l’azimut, ce qui n’est pas évident dans une forêt de pins non entretenue.
Faut lever les pieds très haut pour passer au-dessus des branchages !!
Eh oui ! Parfois, j’ai comme un don pour me compliquer la vie !

Mais je réussis à atteindre l’Aisne qui en est au tout début de son parcours.
Son lit est quelque peu… chaotique !
C’est en fait un amoncellement de roches parmi lesquels le « petit pipi » se fraye tranquillement un chemin. Il y fait plutôt sombre et le risque de me blesser m’oblige à remonter la pente afin de retrouver un chemin un peu plus praticable.



De chemins qui ne mènent nulle part à d’autres qui n’existent même plus, je me dis qu’il vaut mieux arrêter les frais pour aujourd’hui !



La boussole me ramène dans le droit chemin !


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En repartant ce matin, je prends mes précautions et à la ferme où j’étais garé la veille, je descends directement par le chemin balisé. Il mène tout droit vers le pont de Beaufays, premier pont sur l’Aisne après la source.

C’est donc de là que je commencerai, comme prévu au départ, à longer le « torrent » sur sa rive gauche.


Je mets le cap au nord-ouest en longeant au maximum le petit cours d’eau.
Souvent en quittant les chemins pour aller prendre quelques photos en contrebas, avant de remonter et continuer le trajet sur les sentiers existants.

Au confluent de l’Aisne et du Ru de la Fagne de la Goutte (il faut le dire vite !), je suis censé passer un gué. S’il y avait bien un gué à cet endroit, il est maintenant sous eau.
Les plus grands bâtisseurs de l’Histoire après les pharaons, mes amis les castors, ont décidé que l’endroit y était idéal pour y construire un barrage !!! En noyant tout le quartier, chemin et gué compris.
En bas, à droite, le gué, à gauche, le pont !



Deux troncs posés côte à côte font office de pont. Hélas, de l’autre côté, les hautes herbes et les dernières pluies m’empêchent d’aller plus loin.
Après quelques essais où j’ai de l’eau jusqu’aux chevilles, et ne sachant pas ce qu’il y a plus loin, il faut bien me résoudre à faire demi-tour sur le même chemin jusqu’au pont précédent pour rejoindre l’arrivée sans trop écourter l’itinéraire.

Je trouve une sortie après le bois de Bènâ Bwès.
Je sais, ça fait un peu « africain » comme dénomination, mais bon, ce n’était quand même pas la jungle.
A la sortie du bois, je rejoins Odeigne par la route. C’est plus sûr !

Ci-dessus, c’est d’où je viens !!!
Ci-dessous, c’est où je vais ! 😉


Je retente ma chance au moulin.



Fanny, la belle meunière, a un peu plus de temps à me consacrer. Elle a repris le moulin en 2016 et continue à faire de la farine comme Odon, l’ancien propriétaire, le lui a appris !



Ce n’est pas dans mes habitudes de faire de la pub, mais j’avoue que j’appécie particulièrement ces gens qui continuent à faire vivre des métiers d’antan !
Ils en savent souvent bien plus que nous sur ce qu’est une vie peut-être simple, mais heureuse, même si cela ne doit pas être facile tous les jours !
Ils ne travaillent pas pour s’enrichir, ils travaillent parce qu’ils aiment ce qu’ils font.
Et le fruit du travail des gens qui aiment ce qu’ils font, cela n’a pas de prix !
Cette petite visite me permet d’acheter de la farine de sarrasin, pas toujours facile à trouver.
Elle me servira à confectionner des galettes pour les jours où la nostalgie des paysages bretons se fait un peu trop sentir. Ça ne vaut pas les leurs, mais ça compense. Y’a plus qu’à aller rechercher de l’andouille de Guéméné… à Givet !!! Mais pas aujourd’hui ! 😉
J’en profite pour laisser le véhicule sur place et remonter à pied dans l’autre sens le petit sentier par où j’aurais dû arriver au moulin.
Sur mon chemin, la Croix Joséphine rappelle la mort d’une petite bergère de 14 ans qui s’est noyée dans la rivière en 1894 en voulant sauver une des brebis qu’elle gardait et qui y était tombée. Son petit corps fut retrouvé plus tard 800 mètre plus loin, à hauteur du moulin.


Au barrage des castors, mission accomplie. J’aperçois le gué d’un autre point de vue, et avec les pieds toujours aussi mouillés.
Il ne me reste plus qu’à rentrer !



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Ce matin, je commence mon trajet un peu plus bas que le moulin d’Odeigne, à la scierie du Moulin Crahay.


Ce moulin possédait deux roues, une pour le moulin à farine, l’autre pour la scierie.
Il est fort possible qu’une forge y ait été construite auparavant puisque les « crahays » sont des scories, des résidus de la fabrication du fer. La métallurgie était une activité prospère dans la région aux XVème, XIème et XVIIème siècles. Le moulin fut détruit lors de l’offensive allemande, mais la scierie est toujours en activité. On est samedi, donc pas possible d’aller y faire un petit tour aujourd’hui. Je reviendrai probablement tenter ma chance dans la semaine.

Je suis obligé de faire l’impasse sur le tronçon de l’Aisne entre cette scierie et la suivante, au Moulin de Lafosse. Il n’y a vraiment aucun itinéraire possible à proximité si ce n’est qu’un petit tronçon en cul-de-sac où se trouve un étang de pêche. La propriétaire me permet gentiment d’y faire quelques photos.


Je prendrais réellement le départ de cette petite étape en laissant le mobilvouac à Lamorménil pour remonter vers le nord et rejoindre le hameau de Lafosse, au confluent de l’Aisne et le Rau de Labôfa (rau =ruisseau).
Le village ne s’aperçoit pas de loin, il est pourtant bien là, caché entre la première rangée d’arbres et la colline à l’arrière plan.
ce n’est qu’en arrivant au pont qu’on peut apercevoir les premiers bâtiments ainsi que le moulin.

Ce n’est qu’en arrivant au pont sur l’Aisne qu’on peut apercevoir les premiers bâtiments ainsi que le moulin.



A l’arrière de celui-ci, je prends un petit chemin où je découvre un panneau me rappelant qu’on est en période de chasse et que, même si l’heure d’interdiction de passage est terminée pour la matinée, à 09.15, il va falloir rester vigilant !
Au cas où il y aurait des retardataires ou des chasseurs déjà passés à l’heure d’hiver !!! J

Pas de souci. Aucun coup de feu ! 😉
Parcours agréable jusque Forge-à-l’Aplé.




C’est entre les deux ponts de bois que se rencontrent l’Aisne et l’Alu?
Dans la région, cela en faisait donc forcément un endroit idéal pour y implanter une forge.

Elle était sans doute implantée sur l’ »Île du Diable », au confluent des deux rivières, qu’on peut imaginer entre les deux passerelles.
Le fait que ce soit une forge, puis une scierie, avec le bruit des outils et des moteurs que cette activité pouvait faire, peut sans doute expliquer son nom.
Pour la petite histoire, la production de la scierie consistait en lattes de bois pour les plafonds en torchis et en plâtre d’autrefois, mais aussi des pièces de bois de hêtre qui étaient ensuite transformées en pinces à linge ou en cintres.


Ce petit hameau se situe également sur le trajet d’une ancienne ligne de chemin de fer qui reliait Melreux (Hotton) à Manhay et Comblain-la-Tour en 1910. On en reparlera !

Pour le retour, je prends un peu plus de risques.
Je longe l’orée des bois jusqu’à la ferme de Bergister, perdue au milieu de nulle part.


Un bestiau mi-loup, mi-hyène me barre le passage. Pas envie de m’attarder pour prendre une photo.
Après avoir compris qu’il était solidement attaché, je fais le tour en me méfiant quand même et plutôt que de prendre la route qui repart de la ferme vers la grand’ route, je continue sur un petit chemin qui mène dans le bois et par où personne n’est sans doute passé depuis bien longtemps !

Quelques kilomètres plus tard, je retrouve la civilisation, symbolisée par la route qui me ramène à mon point de départ à Lamorménil.

Break.
Fin de la première partie.
Mais rassurez-vous les amis, il y en a deux autres !
Ne soyez donc pas trop impatients !
Profitez-en pour aller faire une petite promenade autour de chez vous en attendant la suite.
Je suis persuadé qu’il y a plein de choses à voir si on y regarde bien ! 😉