Il fut un temps…chaque lundi de Pâques, je me faisais une joie de retrouver les copains à Kain, petit village au nord de Tournai, pour participer à une tradition ancestrale :
la Marche à Bâton vers le Mont-Saint-Aubert.
Pèlerinage religieux depuis le Moyen-Âge, il est devenu nettement plus profane au 19ème siècle, lorsque la religion catholique ne fut plus en odeur de sainteté auprès des révolutionnaires de l’époque, si vous voyez ce que je veux dire !
Heureusement, les traditions ont la vie dure et de nos jours, elle perdure sous la forme d’une jolie petite marche de 12 km pour ceux qui montent aux 147 mètres du point culminant et en redescendent grâce aux bus mis à leur disposition, et de 20 km pour les marcheurs qui en redescendent par les chemins un peu plus campagnards.
Comme l’année passée, cette marche n’aura donc pas lieu, du moins sous sa forme habituelle. Inutile de vous préciser pourquoi !
Pour les irréductibles, les organisateurs ont toutefois prévu un plan B (voir leur page Facebook « Marche-à-Bâton » pour plus de renseignements)
Pour ma part, cloîtré dans mon ermitage en Ardenne, je me contenterai cette fois de vous présenter la petite histoire de cette tradition ainsi qu’un petit diaporama de photos tirées des comptes-rendus de mes quelques participations.
« A Tournai, le lundi de Pâques est le jour du pèlerinage le plus fréquenté de l’année.
C’est le pèlerinage au Mont de la Trinité ou Mont-Saint-Aubert, qui s’élève à une petite lieue au nord de la ville.
Cette montagne, jadis boisée et inculte s’appelait anciennement « Mont Minerve » et «Buillemont » (montagne mugissante).
Elle fut appelée Mont-Saint-Aubert vers le milieu du septième siècle, du nom d’un pieux ermite qui y menait une vie solitaire. C’était, disent les légendes, un personnage de noble origine, qui, pour mieux se livrer à l’oraison, s’était retiré sur cette montagne, où il exerçait l’état de boulanger. Son âne portait à la ville, sans être guidé, les pains que le maitre avait cuits, les rendait à prix fait et rapportait l’argent dans une bourse attachée à son col. Le produit de la vente était aussitôt après son retour distribué aux pauvres.
On voyait autrefois dans l’église des peintures qui représentaient quelques épisodes de la vie du bienheureux, mais elles ont toutes disparu.
Peu après la mort de saint Aubert, on éleva une église dédiée à la Sainte Trinité.
Bien qu’on ne s’y porte plus en foule, comme autrefois, c’est encore une fête importante à Tournai. Dès la pointe du jour, les classes inférieures se mettent en marche et prennent par divers chemins la direction de la montagne. Ceux qui ont des enfants portent ordinairement un petit panier en osier qui contient de la viande froide, avec les pains français et les craquelins de rigueur. La marche est d’abord silencieuse : chacun est ému des pertes qu’il a essuyées pendant l’année, et réfléchit à la demande qu’il adressera au Tout-Puissant par l’intercession de saint Aubert. Après avoir entendu la messe, on se répand dans le bois, sur la pelouse ou dans les hôtelleries. Bientôt au recueillement succède la gaieté. La mère procède à la distribution des vivres.
Les groupes se confondent et deviennent tumultueux, les libations se multiplient en raison de la fatigue que l’on a éprouvée durant le voyage, les entretiens s’animent et produisent un charivari assourdissant.
Enfin, après un déjeuner prolongé jusqu’à midi, l’heure du dîner se fait entendre, et l’on descend dans les villages et les hameaux qui se trouvent sur le versant de la montagne.
Vers le soir, les danses s’organisent au son de la clarinette et du tambourin, la belle société arrive peu à peu de la ville et vient compléter la fête en formant des valses et des quadrilles, dans les verdoyantes rotondes et dans les nombreux jardins disposés à cet effet à Kain et dans le hameau de la Tombe. »
Fêtes religieuses et civiles, 1861